Ce qu'est l'ANARCHIE et
plus encore l'ANARCHISME ?
Quelle est son histoire?
Nous vous proposons ces quelques textes, pour découvrir ce que
peuvent bien être ces idées
qualifiées
d'anarchistes, de libertaires où bien encore
d'acrates.
Une toute petite
histoire de
l'anarchisme...
(par Marianne ENCKELL, responsable
du C.I.R.A de Lausanne)
* En mai 68, lectrice, lecteur,
étiez-vous seulement nés? L'histoire de l'anarchisme ne
commence pas dans l'insurrection étudiante et les
grèves ouvrières de ce printemps-là, mais un
siècle plus tôt, lorsque les ouvriers d'Europe et
d'Amérique créaient leurs premières
organisations, leurs premiers syndicats. Ou quand Proudhon revendiquait le mot : si c'est votre ordre qui règne, alors oui, je
suis anarchiste !
* Les anarchistes aiment se raconter des
légendes, s'inventer des ancêtres et des héros.
Il n'y a pas de mal à ça : sans dieu ni maître,
le culte de saint Durruti, des saintes Louise et Emma, voire de saint Ravachol ne fait guère de dégâts, leur
geste finit en chansons ou en T-shirts. Mais l'histoire de
l'anarchisme est une histoire d'hommes et de femmes en lutte, avides
de savoir et de changement social, de culture et d'idéal.
C'est aussi une histoire d'erreurs et d'échecs, de
confrontations et de succès, et d'une volonté qui n'est
jamais abattue. Être exploité ou opprimé ne
suffit pas à faire des anarchistes, il faut vouloir en finir
avec la domination et porter en son coeur un monde nouveau.
* L'histoire des anarchistes est largement
absente des manuels et n'a percé dans le monde universitaire
que depuis peu. Les lignes qui suivent donnent un aperçu,
quelques bribes, des lignes de force, scandées par des
chansons.
Ouvrier, prends la machine,
prends la terre, paysan ...
* Quand les typographes et les ouvriers du
bâtiment font grève à Genève, en 1868, des
soutiens financiers leur arrivent de plusieurs pays d'Europe : les
caisses de secours sont des outils essentiels de la
solidarité, «en attendant que le salariat soit
remplacé par la fédération des producteurs
libres». A cette époque il n'y a pas de permanents
syndicaux ni d'institutions ouvrières établies, mais
seulement des sections de l'Association internationale des
travailleurs, l'AIT ou «Première Internationale»,
qui existe depuis quelques années. Dès que les
exploités et les opprimés s'organisent, ils savent
qu'il leur faut des contacts internationaux pour être plus
forts, mieux informés : la mondialisation ne date pas
d'hier.
* L'AIT fédère à ses
débuts tous les courants autonomes du mouvement ouvrier,
affirmant que «l'émancipation des travailleurs sera
l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes». Mais Karl Marx et
les siens veulent en faire un outil de leur politique, subordonner
l'organisation ouvrière à la conquête du pouvoir
politique et, de manière cohérente, contrôler les
activités des sections depuis le Conseil général
établi à Londres.
* Contre ce centralisme autoritaire,
Michel
Bakounine et ses amis de la
Fédération
jurassienne pratiquent le
fédéralisme, valorisent l'expérience de la
Commune de
Paris de 1871, donnent petit
à petit forme à ce qui sera le mouvement anarchiste et
anarcho-syndicaliste. Pas étonnant qu'ils se fassent expulser
! C'est presque toutes les forces vives de l'Internationale qui se
solidarisent avec eux et qui soutiennent le congrès
«fédéraliste» convoqué à
Saint-Imier, dans le Jura suisse, en septembre 1872.
* «L'autonomie et l'indépendance des
fédérations et sections ouvrières sont la
première condition de l'émancipation des
travailleurs» déclare
le congrès, qui propose la conclusion d'un «pacte
d'amitié, de solidarité et de défense mutuelle
entre les fédérations libres» établissant
entre elles une correspondance directe et une défense
solidaire, pour «le salut de cette grande unité de
l'Internationale».
* Sa déclaration la plus connue et
la plus citée par la tradition anarchiste porte sur la
«nature de l'action politique du prolétariat»: c'est
là qu'il est dit que «la destruction de tout pouvoir politique est le
premier devoir du prolétariat», que «toute
organisation d'un pouvoir politique soi-disant provisoire et
révolutionnaire pour amener cette destruction ne peut
être qu'une tromperie de plus et serait aussi dangereuse pour
le prolétariat que tous les gouvernements existant
aujourd'hui» et que
«les prolétaires de
tous les pays doivent établir, en dehors de toute politique
bourgeoise, la solidarité de l'action
révolutionnaire».
Difficile de faire plus simple, plus clair !
* La branche fédéraliste ou
antiautoritaire de l'AIT a eu des sections importantes en Italie, en
Espagne et en Suisse, et des groupes moins nombreux en France, en
Belgique, aux États-Unis, en Uruguay et en Argentine ainsi que
des adhésions d'Allemagne et des pays nordiques. Elle a
été le véritable creuset du mouvement anarchiste
qui s'est développé dans ces régions. C'est au
cours de ces premières années d'existence que la
Fédération régionale espagnole, notamment, fait
progresser la discussion sur anarcho-communisme et
anarcho-collectivisme, et que Ricardo Mella et Fernando Tárrida
del Marmol proposent le concept
d'anarchisme sans adjectif, qui sera repris avec bonheur aux
États-Unis par Voltairine de
Cleyre.
* L'histoire du mouvement anarchiste
commence avec la fin de cette organisation générale de
tout le mouvement ouvrier qu'était l'AIT en ses débuts.
Les idées anarchistes, elles, ont pris vie
littéralement avec Proudhon. Mais elles ont eu des précurseurs, et de
taille.
* William Godwin est le premier philosophe des Lumières
à élaborer, en 1792, une conception opposant la
«justice politique» à l'existence d'une
sphère politique séparée, à proposer donc
l'abolition des gouvernements et des États au profit du bien
commun. Sa compagne Mary Wollstonecraft affirme haut et fort les
droits des femmes, égalité et autonomie. Bien longtemps
avant eux, Etienne de La
Boétie avait
créé le concept de «servitude volontaire»,
révélant une autre facette de la domination. D'autres
auteurs critiques ou utopistes ont inspiré la pensée et
les pratiques des anarchistes.
* Aux États-Unis se développe
au XIX° siècle un courant libertaire, hostile à
toute ingérence de l'État et défenseur de
l'autonomie personnelle. Des auteurs comme Josiah
Warren, Stephen Pearl
Andrews, Lysander
Spooner et surtout Henry David
Thoreau (La
désobéissance civile, écrit en 1849) sont aussi
à leur manière des précurseurs de
l'anarchisme.
Si tu veux être heureux, nom de dieu, pends ton
propriétaire...
* L'histoire de l'anarchisme ne commence ni
ne finit avec les personnages de noir vêtus, une bombe sous le
bras. Certes, la dynamite a été une des formes
prisées pour en finir avec le vieux monde. En 1892, les bombes
de Ravachol ont détruit les maisons de deux juges qui
avaient condamné lourdement des camarades ouvriers pour avoir
mené une prétendue émeute le 1er mai de l'année précédente. Le
couteau de Caserio a tué un président de la
République française en 1894, l'arme de Czolgosz quelques années plus tard un président
des États-Unis. Quelques hauts personnages morts ou
blessés, pour combien de militants assassinés
froidement ou envoyés à vie au bagne ? Et la
modernisation de la police internationale, avec la création du
prédécesseur d'Interpol en 1898, pour surveiller et
brider les subversifs
* L'anarchisme propose une idée
simple et claire : sans tyran, nous saurons vivre libres et
solidaires. Qu'il s'agisse du tsar Alexandre II dans la Russie de
1880, du président Carnot dans la France des
«lois
scélérates» de la
fin du XIX° siècle, plus récemment du
général Franco qui a écrasé la
révolution anarchiste en Espagne ou de Salazar le satrape du
Portugal, les souverains ne sont pas à l'abri d'attentats
anarchistes. Rares sont pourtant ceux qui en sont morts, les moyens
mis en Ïuvre étant souvent dérisoires par rapport aux
services secrets et aux forces de sécurité des
dictateurs. Et d'autres que les anarchistes ont essayé de
liquider papes et despotes, pour de bonnes ou de mauvaises
raisons.
* La «propagande par le fait» ne se résume pas au poignard et à la
dynamite. Lorsque cette expression a été
créée, elle signalait simplement le passage à
l'action directe - affirmation, résistance ou contestation -
en complément à la propagande par la parole et par
l'écrit, ces outils traditionnels d'un anarchisme
éclairé. Les anarchistes les plus légendaires,
Ravachol ou Bonnot, sont des héros de pacotille ; mais qu'on
lise les défenses d'un Clément
Duval en 1887, d'un Emile Henry en 1894 ou d'un Marius Jacob en 1905 devant les
tribunaux français, revendiquant l'expropriation des
expropriateurs et le droit à l'autodéfense, ils
défendent les mêmes valeurs qu'une Emma Goldman prônant et pratiquant le droit à
l'avortement et à l'amour libre, qu'un Buenaventura
Durruti pratiquant la «reprise
individuelle» pour financer projets éditoriaux et soutien
aux compagnons emprisonnés. Lorsque Michele
Angiolillo tire en
1897 sur le premier ministre
espagnol, lorsque Gaetano Bresci tue le roi d'Italie Vittorio Emmanuele en
1900, lorsque Simon
Radowitzky abat en 1909 le chef de la police argentine, responsable d'un
massacre d'ouvriers lors de la manifestation du 1er
mai organisée par la
FORA, lorsque Kurt Wilckens liquide le lieutenant colonel Varela en
1923, révolté par
l'assassinat sous sa responsabilité de 1500 ouvriers agricoles
grévistes en Patagonie, il n'y a pas que les anarchistes pour saluer leur
geste et se féliciter de la disparition des tyrans.
Organisations ouvrières, journalistes, avocats, et
jusqu'à l'opinion publique se mobilisent pour les soutenir ou
honorer leur mémoire.
* Dans d'autres cas, pour honorable que
soit le mobile, le geste de révolte individuel peut avoir des
conséquences terribles : qu'il suffise de citer l'anarchiste
serbe Gavrilo Princip abattant l'archiduc François-Ferdinand
d'Autriche en 1914 ou le conseilliste hollandais Marinus van der
Lubbe boutant le feu au Reichstag de Berlin en 1933.
* Mais les anarchistes sont les premiers
à être victimes de la répression. Huit à
dix ans de bagne pour avoir crié «vive l'anarchie»
sur une terrasse de bistrot, pour avoir placardé un tract
antimilitariste, pour avoir volé des lapins, tel était
le tarif si on était un anarchiste connu de la police dans la
France des années 1890. Vingt-deux années de prison
pour Alexander
Berkman pour avoir tenté
d'abattre le directeur d'une entreprise qui avait violemment
réprimé une grève à Chicago. La chaise
électrique pour Nicola Sacco et Bartolomeo
Vanzetti, arrêtés en
1920 aux États-Unis et exécutés sept ans plus
tard pour un hold-up qu'ils
n'avaient pas commis ; leur ami Andrea Salsedo avait
été retrouvé
mort sous la fenêtre d'un
commissariat de police new-yorkais, tout comme le sera Giuseppe
Pinelli à Milan en 1969. Les
anarchistes américains d'origine russe ont été
déportés à Saint-Pétersbourg dès
après la révolution de 1917 ; les militants
antifascistes allemands et italiens ont été contraints
à l'exil ou envoyés en camp de concentration. Et
l'histoire hélas ne s'arrête pas là.
Pas étonnant que l'étendard
des anarchistes soit noir, couleur du deuil et de la
révolte.
Don't mourn,
organize...
(Ne ne te lamente pas,
organise toi...)
* L'histoire de l'anarchisme traverse le
mouvement ouvrier organisé.
* C'est d'abord aux États-Unis,
après la fin de la Première Internationale, que les
travailleurs relèvent la tête et passent à
l'action directe. Dans les années 1880, le ralliement se fait
autour de la journée de huit heures, des centaines de milliers
d'ouvriers font grève pour la revendiquer. Le 3 mai
1886 à Chicago, un
meeting convoqué pour
s'opposer aux briseurs de grève se fait brutalement disperser
par la police, il y a des morts et des blessés. La
manifestation de protestation organisée sur le champ finit en
cacophonie : une bombe a tué et blessé flics et
manifestants. La condamnation
à mort de cinq anarchistes
accusés à tort d'avoir inspiré cet attentat
suscite une vague de solidarité sans précédent
et un mouvement planétaire qui n'est pas prêt de
s'arrêter : la journée du
Premier Mai, journée du
souvenir et de la lutte pour la dignité ouvrière,
devient la référence de tout le courant syndical, du
plus révolutionnaire au plus compromis. Mais la mémoire
dominante évacue vite le rôle qu'y ont eu les
anarchistes, comme les partis socialistes vont évincer les
anarchistes de leurs réunions. De la Première
Internationale, ils n'ont en effet retenu que le primat du parti
politique sur l'organisation autonome des prolétaires.
* Les anarchistes ripostent en
développant leur présence sur le terrain des luttes
ouvrières, en pratiquant l'action directe, en ouvrant des
lieux comme les Bourses du
travail. Au début du XXe
siècle, la CGT française entend organiser l'ensemble
des ouvriers en dehors de toute ligne politique ; selon la
Charte
d'Amiens, son texte fondateur, le
syndicalisme se suffit à lui-même. En revanche la
FORA argentine et la CNT espagnole, qui naissent à la même
époque, sont des organisations révolutionnaires de type
syndical qui, prônant l'abolition du salariat et le refus de la
politique politicienne, visent le communisme libertaire comme but
final. A une différence près, toutefois : la CNT est
étroitement liée à «l'organisation
spécifique», la FAI anarchiste, tandis que la FORA entend éduquer
ses membres en son sein même pour les conduire à adopter
le communisme anarchiste. Les Industrial Workers of the
World, aux États-Unis,
développent à la même époque des
techniques originales d'organisation, d'action directe, de sabotage
et de propagande : c'est dans ce cadre-là, par exemple,
qu'apparaît le chat noir des anarcho-syndicalistes et que
Joe
Hill met des paroles
révolutionnaires sur des airs de cantiques connus de tous :
«Ne portez pas le deuil, organisez-vous !» Le modèle
des IWW, avec son refus radical des négociations collectives,
se répandra au Chili, en Afrique du Sud, en Australie,
où ses militants seront notamment en tête du mouvement
antimilitariste en 1914. La SAC suédoise, quant à elle
lutte contre le monopole de la centrale syndicale LO,
développe le système du «tarif syndical»
comme alternative aux négociations collectives. CGT et IWW ont
de leur côté institué le label : on voit encore
parfois, notamment sur des imprimés, l'indication
«ce travail a
été effectué par des ouvriers
syndiqués».
* La discussion, entamée au
Congrès
anarchiste international d'Amsterdam
en 1907 par Pierre
Monatte et Errico
Malatesta, dure aujourd'hui encore
pour savoir si l'organisation syndicale suffit comme organisation
révolutionnaire, si le syndicat est la cellule de base de la
société future, ou s'il est intrinsèquement
réformiste, ou encore s'il doit être doublé d'une
organisation anarchiste «spécifique».
* Lorsque le Parti communiste d'Union
soviétique cherche à prendre l'hégémonie
sur le mouvement syndical international, les anarcho-syndicalistes
redonnent vie à l'AIT en
1922, avec treize organisations
représentant un million et demi de travailleurs. Elle
fédère les luttes développées au cours
des années précédentes, avec leurs armes
spécifiques : grève générale,
solidarité, boycott, sabotage, et développe les armes
culturelles avec une série de revues de qualité comme
"Die Internationale" en Allemagne ou le "Suplemento de la Protesta"
en Argentine.
* La crise économique des
années 1930 puis le fascisme portent un coup dur aux
organisations radicales. Les syndicats socialistes et communistes se
replient sur des positions défensives ou nationales, les
compagnons sont forcés à l'exil, les sections de l'AIT
se vident de leurs membres dans plusieurs pays. La révolution
espagnole et la guerre civile seront l'occasion d'un fort mouvement
de solidarité, mais provoqueront aussi des divisions et des
conflits inattendus.
* Après des années de
latence, on voit réapparaître aujourd'hui de solides
mouvements anarcho-syndicalistes et syndicalistes
révolutionnaires dans nombre de pays, sous diverses
étiquettes.
Nostra patria è
il mondo intero...
(Notre patrie est le
monde entier..)
* L'histoire de l'anarchisme traverse les
révolutions du XXe siècle et les frontières.
La Commune
de Paris de 1871 avait attiré
la solidarité active de militants de l'AIT d'Italie, de
Pologne, de Suisse qui avaient participé aux combats ; et les
communards qui durent s'exiler en Suisse, en Belgique, en Angleterre
ou en Espagne y furent accueillis comme des frères.
* Emiliano Zapata au Mexique a
été inspiré par l'anarchiste Ricardo Flores
Magón. Pendant les
années révolutionnaires, de 1910 à sa mort en
1919, il mène ses troupes sous le drapeau de Tierra y
Libertad, un slogan dont
l'écho est arrivé jusqu'à nos jours : venu de la
Russie du XIXe siècle, il est passé par l'Espagne pour
retourner au Chiapas.
* Dans la Russie révolutionnaire, de
1917 à 1921, les anarchistes &endash; plusieurs sont
arrivés de gré ou de force de leurs pays d'accueil, la
France, les États-Unis &endash; défendent l'idée
des conseils ouvriers, les soviets, contre le pouvoir du Parti et de
ses bureaucrates, avant que ces derniers ne les forcent à
l'exil. En Ukraine, Nestor
Makhno mène l'insurrection
paysanne contre les Blancs contre-révolutionnaires, puis
contre les Rouges qui veulent en finir avec les anarchistes ; dans
l'île de Cronstadt, marins et soldats instaurent une Commune libre qui
tiendra jusqu'à ce que l'armée rouge aux ordres de
Trotsky l'écrase. Exilés à Berlin, puis à Paris
et à Detroit, les anarchistes russes continuent leurs
publications, débattent de leur expérience, participent
à la construction des organisations, comme le montrent
notamment "la Plate-forme" élaborée par Piotr Archinov et
la "synthèse" développée par
Voline sur la base de celle de Sébastien
Faure.
* En Chine, des jeunes gens ayant
étudié en France diffusent les idées anarchistes
pour lutter d'abord contre les «seigneurs de la guerre»,
puis contre l'hégémonie du Parti communiste. Ils sont
surtout implantés dans le mouvement ouvrier du sud du pays et
actifs dans les grandes grèves de 1927 à Canton et
à Hong Kong. Le romancier Ba Jin (Li Pei
Kan) traduit les classiques
anarchistes et publie plus tard une série de brochures en
soutien à la révolution espagnole. En Bulgarie, les
anarchistes ont participé au mouvement national
révolutionnaire du XIXe siècle, cherchant à lui
donner un caractère insurrectionnel. Pendant la dictature
fasciste et la Seconde Guerre mondiale, ils survivent dans la
clandestinité pour se réorganiser sitôt
après : en 1945, leur hebdomadaire tire jusqu'à 30 000
exemplaires. A Cuba, les anarchistes publient leur premier journal en
1886 et sont rapidement actifs dans le mouvement ouvrier syndical et
culturel. Ils sont aux premiers rangs des luttes contre la dictature
de Machado et celle de Batista. Dans ces trois pays, les anarchistes
ont été parmi les critiques les plus lucides des
dictatures, les plus radicaux des révolutionnaires, avant que
les partis communistes staliniens au pouvoir ne se défassent
d'eux par la violence.
* Dans les mouvements des conseils en
Allemagne, en Italie et en Hongrie, en 1918-1920, les anarchistes ont mis toutes leurs
forces et subissent les plus fortes répressions. Gustav
Landauer, commissaire à
l'éducation de la Commune de Munich, est assassiné en
1919, peu après Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, les leaders
socialistes révolutionnaires ; le poète Erich
Mühsam, après des
années de prison, meurt assassiné en camp de
concentration en 1934. La Commune de Budapest est écrasée dans le sang ; les occupations d'usines de 1920 en
Italie, témoignant de la croissance du syndicalisme
révolutionnaire, sont sabotées par les socialistes qui
ouvrent la voie à la «contre-révolution
préventive»
organisée par les bandes fascistes et l'État.
* Émigration et exil sont souvent le
seul moyen d'éviter la mort violente ou les années de
prison. Elisée
Reclus vit en Suisse après la
Commune de Paris, Pierre
Kropotkine en est expulsé et
trouve un refuge précaire en France, puis en Angleterre. Les
Italiens Errico
Malatesta et Camillo
Berneri sont pourchassés d'un
pays à l'autre. Les anarchistes juifs de Pologne, d'Ukraine et
d'Allemagne essaiment à Londres (où un autre
émigré, Rudolf
Rocker, devient leur «rabbin
goy»), aux États-Unis et à Buenos Aires, où
ils publient longtemps journaux et livres en yiddish. Les exils
successifs d'Emma
Goldman et d'Alexandre
Berkman ont donné son titre
à un beau recueil de lettres, Nowhere at home, nulle part chez
soi. Ou partout chez soi, quand partout on trouve des compagnons, on
recrée des groupes, on échange publications et
correspondance ?
*
«Notre patrie est le monde entier,
notre loi la liberté», chantent les anars italiens. Déportés
en Nouvelle-Calédonie après la Commune de Paris,
Louise
Michel et Charles Malato y
rencontrent les Canaques et leur aspiration à l'autonomie ;
fonctionnaire en Indonésie, Multatuli quitte ses fonctions pour dénoncer le
colonialisme néerlandais dans son roman Max Havelaar ;
étudiants à Londres, Jomo Kenyatta et Julius Nyerere
suivent les discussions du groupe Freedom ; plus récemment,
insoumis et déserteurs français et américains
dénoncent les guerres impérialistes en Algérie
et au Vietnam. Soutenir les luttes de libération
«nationale» sans soutenir les États en devenir reste
un défi aujourd'hui encore. L'apparition récente de
groupes anarchistes en Indonésie, aux Philippines, au Nigeria,
stimulés évidemment par des jeunes gens formés
dans des universités du Premier Monde et nourris de
l'internet, changera-t-elle la donne ?
Quand nous en serons
au temps d'anarchie..
* En 1901, Francisco
Ferrer fonde à Barcelone
l'École
moderne, qui s'inspire du
rationalisme scientifique et fait confiance au progrès. Elle
vise la libération de l'individu et la formation d'hommes et
de femmes capables de transformer la société. Elle
prône la coéducation des sexes et des classes sociales,
afin d'attaquer à la racine les préjugés et de
préparer des générations futures lucides. Vers
la même époque, Paul Robin et Sébastien
Faure ont dirigé en France
des écoles libres où la pédagogie était
basée sur la liberté, la confiance, la mixité,
la combinaison entre travail manuel et travail intellectuel. Mais
c'est l'expérience de Ferrer qui aura le plus d'écho :
après son assassinat en 1909, et portées par la vague
de sympathie et de solidarité, des Écoles modernes, des
Écoles Ferrer se fondent au Brésil, en Suisse, aux États-Unis, en ItalieÉ La pédagogie active et les
écoles alternatives actuelles se sont toutes inspirées,
directement ou non, de ces prédécesseurs. En Angleterre
(avec l'école de
Summerhill entre autres) et aux
États-Unis, les écoles libertaires sont encore
nombreuses malgré les difficultés que leur fait le
système officiel. Plus récemment il s'en est
créé en Espagne (Paideia), en Australie (School without
walls), en France (Bonaventure).
* Il ne s'agit pas d'éduquer les
enfants seulement : «La
tâche révolutionnaire consiste d'abord à fourrer
des idées dans la tête des
individus» (Jean Grave). La première activité d'une
organisation ou d'un groupe anarchiste est souvent la publication
d'un journal, de brochures, de tracts. C'est par dizaines de milliers
que se vendaient les textes de Kropotkine, de Grave ou de Malatesta publiés au début du siècle par
"Les
Temps Nouveaux". René
Bianco a inventorié
près de 2000 périodiques anarchistes de langue
française de 1880 à 1980, les autres langues ne sont
pas de reste. De la presse à main à la quadrichromie et
aux photocopieuses performantes, la «propagande par
l'écrit» est une arme
de prédilection des anarchistes ; nous en témoignons
encore ici.
* «Devenons plus
réels», disait
Bakounine aux ouvriers de Saint-Imier en 1871 : que
l'organisation révolutionnaire se double d'une
«vraie solidarité
fraternelle, non seulement en paroles, mais en actions, pas seulement
pour les jours de fêtes, de discours et de boisson, mais dans
[la] vie quotidienne».
Communautés et coopératives en sont un exemple ; par le
passé, des individus et des groupes ont établi des
«colonies libertaires», de Belgique (Colonie
L'Expérience) au
Brésil (La
Cecilia), de France (L'Essai à Aiglemont, Romainville, etc.) au Paraguay
(Mosé Bertoni) ; en Uruguay, la Comunidad del Sur
fondée il y a cinquante ans s'est reconstituée
après un long exil en Suède ; après mai 68, on
est allé faire du fromage de chèvre et manger des
châtaignes dans des hameaux désertés de France du
Sud, peu nombreux ceux et celles qui ont résisté
à la dureté des conditions de vie. Dans leurs
athénées libertaires et leurs bibliothèques
populaires, les anarchistes espagnols ou argentins ont diffusé
depuis un siècle culture, connaissances scientifiques et
préparation révolutionnaire. Les individualistes,
surtout eux, ont prôné et pratiqué les langues
internationales, ido ou espéranto, manière d'abaisser frontières et
barrières. L'objection aux impôts, aux vaccins, aux
institutions du mariage, du vote et de l'armée participe de la
même démarche. Aujourd'hui, c'est de par le monde que
fleurissent les espaces autogérés, squats ou
infokiosques où l'on essaie de vivre sans argent ni
maître, où l'on invente de nouvelles formes
d'échanges et de manifestations publiques.
* Si les anarchistes ont soif d'une culture
sans domination, des artistes leur ont offert de quoi l'enrichir. Les
impressionnistes Pissarro, Luce et Signac, les peintres et graveurs Steinlen, William
Morris, Frans
Masereel, Frantisek Kupka, Man
Ray, plus récemment Flavio
Costantini, Enrico Baj, Cliff
Harper, Soulas et d'autres ont
donné des illustrations à la presse anarchiste et des
Ïuvres originales aux caisses de solidarité. Joe Hill, Erich
Mühsam, Eugène
Bizeau, Stig
Dagerman ont écrit
poèmes et chansons, Joan Baez, Georges
Brassens, Léo
Ferré, Paco Ibañez,
Fabrizio de André ont chanté dans des meetings avant
les Poison Girls, les Black Bird de Hong Kong ou les Binamé
bruxellois. Les films de Jean Vigo, d'Armand
Guerra, de Jean-Louis Comolli, les
représentations du Living
Theatre ou d'Armand
Gatti sont autant d'hommages
à l'anarchisme.
A las barricadas, por el
triunfo de la Confederación...
( Aux Barricades, pour
le triomphe de la
Confédération...)
* Le plus beau chapitre de l'histoire de
l'anarchisme est évidemment la révolution espagnole de
1936, malgré ses suites tragiques. Pendant plusieurs mois,
ouvriers et paysans ont vécu le communisme libertaire dans les
usines et les villages, dans les milices, dans les familles, dans les
services publics ; des dizaines de milliers de femmes ont
participé à l'organisation des Femmes Libres. Mais ils
devaient aussi faire la guerre pour défendre la nouvelle
société qu'ils créaient.
* La confédération
anarcho-syndicaliste CNT, fondée en
1910, avait mis toutes ses forces
dans l'éducation du peuple, la pratique de l'organisation et
la préparation de l'insurrection. Avec la
Fédération anarchiste FAI, des tentatives
révolutionnaires sont lancées de 1932 à 1934
dans plusieurs régions du pays: constitution dans les villages
de collectivités communistes libertaires, assaut contre les
casernes et les mairies, qui renforcent l'enracinement populaire de
l'anarchisme mais suscitent une répression
démesurée et la polarisation d'avec la gauche
politique. En juillet
1936, les anarchistes sont toutefois
prêts à riposter au coup d'État du
général Franco et montent «aux barricades, pour le triomphe de la
Confédération», la CNT : le mouvement des collectivisations démarre aussitôt, en même temps
que la constitution de
milices.
* La solidarité des compagnons
étrangers est immédiate ; des centaines d'anarchistes
français, italiens, allemands, argentins, suisses quittent
leur travail dès le mois d'août 1936 pour aller se
battre en Espagne contre le fascisme et pour la révolution
sociale. Vingt-cinq anarchistes chinois arriveront jusqu'à
Marseille avant de devoir rebrousser chemin. Des camions de vivres et
de vêtements, sous lesquels sont souvent dissimulées des
armes, cahotent à travers les Pyrénées et
passent la frontière sous les vivats.
* Bien différente est l'attitude des
démocraties européennes et de la gauche socialiste et
communiste, qui craignent la généralisation de la
guerre et la victoire de la révolution et adoptent une
politique de non intervention. Elles ouvrent ainsi la porte à
l'appui massif de Mussolini et d'Hitler aux fascistes espagnols : ils
leur envoient troupes, avions et armement lourd. Ce n'est qu'en
octobre que l'URSS change de tactique et encourage la constitution
des Brigades internationales, sévèrement
encadrées, dont une des missions sera de briser l'élan
révolutionnaire du peuple au profit de la guerre.
* Les fronts se sont multipliés
ainsi que les victimes, les milices anarchistes manquent d'armes et
de munitions, les usines collectivisées improvisent
véhicules blindés et obus. Peu à peu,
l'industrie tout entière devient industrie de guerre ou
d'arrière-garde, et «la guerre dévore la
révolution», comme
l'écrit alors le libertaire français Pierre Ganivet.
Dans son isolement, jugeant prioritaire la défense du front
antifasciste, la CNT prend la décision discutable d'entrer en
septembre déjà dans le gouvernement de Largo Caballero, puis d'accepter du bout des
lèvres la militarisation des milices. Place est ainsi faite
aux staliniens pour s'attribuer la direction de cette guerre. En
mai
1937, ils s'attaquent de front aux
anarchistes et au POUM à Barcelone, assassinant Camillo
Berneri qui avait été
un des plus fiers critiques de la participation de la CNT au
gouvernement. Cette dernière, prise entre deux feux, ne sait
qu'appeler au calme.
* Les collectivités de Catalogne et
d'Aragon seront bientôt reprises en main, celles du
Levant tiendront encore plusieurs mois. En février 1939,
Barcelone est prise par les troupes franquistes, en mars c'est au
tour de Madrid. Des milliers d'anarchistes et de républicains
sont massacrés ou emprisonnés, des centaines de
milliers prennent la route de l'exil et se trouvent confinés
dans des camps établis à la hâte sur les plages
françaises de Méditerranée.
* Le mouvement libertaire s'est
reconstitué en exil, avec la CNT, la FAI et les organisations
de jeunes et de femmes, avec les divisions inéluctables que
provoque ce genre de situation. À l'intérieur de
l'Espagne, la CNT s'est aussi reconstituée sans cesse dans la
clandestinité, au prix de nombreux morts et d'interminables
années de prison. C'est le même sort qui a échu
aux guérilleros cherchant à remonter un mouvement de
résistance et à nombre de militants ayant tenté
d'en finir avec Franco, jusqu'à ce que celui-ci en finisse
à lui seul en 1975.
Rue Gay-Lussac, les rebelles n'ont qu'les voitures à
brûler...
* Mai 68 n'a pas commencé au mois de
mai
1968. Les étudiants avaient
bien oublié que l'anarchisme avait relevé la tête
en France et en Italie, dès la guerre terminée en 1945
; on avait bien oublié, dans les années d'abondance, le
courage de ceux qui publiaient des journaux, reformaient les
organisations, renouaient les contacts. Dans leurs exils, les
anarchistes espagnols ont contribué à maintenir la
flamme du mouvement, même s'ils se sont posés parfois en
modèles indépassables ; l'antifranquisme militant a
sans doute été, tout autant que le mouvement contre la
guerre du Vietnam, un des déclencheurs de Mai 68.
* Depuis la prise du pouvoir des partis
staliniens dans les «démocraties populaires»
d'Europe de l'Est et en Chine, seules de faibles voix y
témoignaient encore d'un fier passé anarchiste. Dans
les pays occidentaux et dans les Amériques, les partis
communistes s'arrogeaient la seule opposition bruyante au capitalisme
et aux démocraties libérales. C'est dire si le monde
s'est étonné de voir la graminée anarchiste
reprendre racine.
* Aux États-Unis, les vieux
compagnons d'origine russe, italienne, espagnole ont eu
eux-mêmes de la peine à se reconnaître dans les
hippies et les étudiants en colère ; en Allemagne, il
n'y avait qu'une poignée d'anciens, Augustin
Souchy, Willy Huppertz, Otto
Reimers, qui publiaient de modestes bulletins. En quelques
années, les librairies se sont soudain remplies de livres de
poche sur l'anarchisme (et sur tous les courants de gauche),
rééditions, anthologies, essais; les professeurs ont
commencé à accepter des recherches sur la
révolution espagnole, sur Makhno et Cronstadt, des études de presse, puis des travaux
féministes et de l'histoire orale. En quelques années
s'est constituée une culture anarchiste de base, accessible et
acceptée.
* Dans l'Europe du Sud, l'anarchisme
n'avait pas été totalement occulté, mais
là aussi la diffusion des idées et des pratiques s'est
accélérée, ainsi que celle du A cerclé
sur les murs. Lorsque le Brésil a connu une brève
période démocratique, des ouvrages étaient
envoyés clandestinement au Portugal où la férule
de Salazar inerdisait l'étude de l'histoire du XXe
siècle. Dans l'Espagne écrasée sous le joug de
Franco, la jeune génération cherchait ses racines,
interrogeait ses pères, publiait sous le manteau. Dès
la mort du dictateur, des centaines de groupes ont adopté le
beau nom de CNT.
* En 1984, année symbolique s'il en
est, quelques milliers d'anarchistes ont convergé vers Venise
pour y écouter des conférences, participer à des
débats, assister à des concerts, visiter des
expositions, se raconter leurs pratiques. En 1993, ils étaient
presque aussi nombreux à Barcelone pour l'Exposition
internationale. Lieux privilégiés que ces grands forums
pour faire se rencontrer non seulement des compagnons de langues et
de cultures diverses, mais des générations
différentes, tenants de l'anarchisme classique et jeunes
squatters, universitaires chenus et punkettes bariolées. Entre
ces deux réunions, la géographie de l'anarchisme avait
pris de nouvelles dimensions : dans les pays d'Amérique latine
et en Europe de l'Est se constituaient ou se reconstituaient des
groupes, des publications, des mémoires. Ce
développement multicolore et multiforme n'a pas
arrêté depuis lors : les anarchistes ont bel et bien un
avenir.
Tous les copains de la
Commune ne sont pas morts sans
rien laisser....
* Ces quelques notes demandent bien
sûr à être étoffées, si elles ont su
piquer votre curiosité.
* Max
Nettlau est considéré
comme «l'Hérodote de
l'anarchisme», mais sa
réputation oublie qu'il est avant tout historien des
idées, et bien moins du mouvement. Pour les lecteurs
francophones, ses ouvrages sont difficiles d'accès. Des
auteurs récents ont suivi ses traces, Jean Préposiet
(Histoire de l'anarchisme, 1993), Nico Berti (Il Pensiero anarchico,
1998). Peter Marshall (Demanding the Impossible, 1992) a tenté
une histoire générale du mouvement anarchiste dans le
monde, de ses luttes et de ses réalisations. Pour les grandes
lignes, on peut bien sûr lire Daniel
Guérin (L'Anarchisme,
nombreuses rééditions depuis 1965, et l'anthologie Ni
Dieu ni maître, rééd. 2000), regarder l'album de
Domenico Tarizzo (L'Anarchie, 1978) et se passionner pour le beau
roman de Michel
Ragon, la Mémoire des vaincus
(Livre de Poche). En collection Que Sais-Je, on
préférera Gaetano Manfredonia (L'Anarchisme en Europe)
à l'ancien Henri Arvon (L'Anarchisme). Les actes d'un colloque
sur l'anarcho-syndicalisme dans le monde, tenu à Paris en
2000, ont été publiés sous le titre Histoire du
mouvement ouvrier révolutionnaire. Dans les actes de deux
autres colloques, la Culture libertaire et l'Anarchisme a-t-il un
avenir (ACL, 1997 et 2001), plusieurs chapitres parlent de l'histoire
du mouvement. D'autres travaux portent sur une période ou un
pays, et les biographies et autobiographies de militantes et de
militants sont trop nombreuses pour être citées ici. En
langue française, le catalogue de la librairie Publico
à Paris, celui de La
Gryffe à Lyon et la Feuille
mensuelle d'informations du CIRA-Marseille proposent périodiquement la presque
totalité des publications disponibles concernant
l'anarchisme.
* Des chansons qui rythment la geste
anarchiste sont reproduites dans la brochure Un Siècle de
chansons (Lausanne, CIRA, rééd. 2001) et figurent sur
divers disques. Deux auteurs ont récemment
étudié Il Canto anarchico in Italia (Milano, 2001) en
près de 400 pages. Et on trouve même du karaoké
anarchiste sur l'internet.
* Depuis le début des années
1970 surtout, plusieurs films ont raconté des épisodes
de l'histoire de l'anarchisme. En ordre chronologique, citons d'abord
L'Extradition (Peter von Gunten, Suisse, 1974), sur les relations
entre Bakounine et Netchaïev et l'expulsion de ce dernier de
Suisse. Sur la Commune de Paris, il existe nombre de documentaires et
de fictions, comme par exemple La Barricade du Point-du-Jour
(René Pichon, France, 1971). Sur la révolution
mexicaine, le pire côtoie le meilleur ; on aimera Marlon Brando
dans Viva Zapata (Elia Kazan, USA, 1952) ou le documentaire Zapata
mort ou vif de Patrick le Gall (1993). Makhno a été mis
à mal par le cinéma soviétique, et sauvé
par Hélène Châtelain dans son documentaire Nestor
Makhno, paysan d'Ukraine (France, 1996). Sur le syndicalisme
révolutionnaire, il faut voir Joe Hill (Bo Widerberg,
Suède, 1971) et les documentaires sur l'Allemagne
(Anarchosyndikalismus, FAUD, 1996) ou la Suède (En Historia
utan slut - Una historia sin final, SAC, 1995). Free Voice of Labour
(Pacific Street Films, USA, 1980) relate les luttes des anarchistes
juifs aux États-Unis. La Bande à Bonnot (Philippe
Fourastié, France, 1968) et certains épisodes des
Brigades du Tigre (série télévisée,
France, années 1970) sont plutôt dans le registre de la
légende, comme plusieurs fictions italiennes de la même
époque. Le film de Montaldo, Sacco et Vanzetti (Italie, 1971)
vaut bien les documentaires sur le même sujet. La
révolution espagnole a été filmée au jour
le jour, beaucoup d'extraits documentaires figurent dans Un Autre
Futur (Richard Prost, France, 1988) et, avec des témoignages
récents de femmes, dans Toutes nos vies - De Toda la Vida
(Liza Berger, Carol Mazor, USA 1986) tandis qu'on sait encore le
succès de Land and Freedom (Ken Loach, Grande-Bretagne, 1995).
En Argentine, en Bolivie et en Uruguay, de nombreux documentaires
relatent remarquablement des épisodes historiques. Sur
l'histoire récente, outre les reconstitutions sur Mai 68, on
cherchera à voir la série filmée par Dany
Cohn-Bendit, Nous l'avons tant aimée, la révolution
(France, 1986), et le beau reportage sur la rencontre internationale
de Venise en 1984 réalisé par des compagnons de Hong
Kong, A Living Song. Enfin il existe nombre de biographies
filmées, diffusées en français notamment par la
librairie Publico à Paris : Rudolf Rocker, Louis Lecoin, May
Picqueray, Armand Guerra.
* Quant aux sites internet, ils proposent
par milliers textes, histoires, biographies et images. On peut
commencer par n'importe lequel, on arrivera toujours par des liens
à trouver de quoi se cultiver. Les rédactrices et
rédacteurs de Réfractions, par exemple, gèrenthttp://www.plusloin.org (la revue et divers textes), http://www.cira.ch/ (bibliothèque du
CIRA-Lausanne), http://www.nothingness.org/RA/ et
http://raforum.apinc.org/
(recherches sur l'anarchisme), http://www.atelierdecreationlibertaire.com (Atelier de création libertaire) et
participent à quelques autres pages.
Paris, manifestation du 1er mai 1988 (sous la pluie)
Déclaration des anarchistes eux-mêmes devant un tribunal
en 1883.
Définition de l'anarchie par Kropotkine.
Définition plus contemporaine d'Anne Archet.